...LE TRAJET...
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Pour ne pas gêner les convois militaires qui s'acheminaient vers la ligne MAGINOT et la frontière, la caravane des réfugiés dû emprunter les petites routes et faire des détours. La première halte était à VARIZE où les réfugiés arrivèrent tôt le matin. Les propriétaires des attelages en profitèrent pour abreuver, nourrir leurs bêtes et tirer le lait des vaches. Après 2 heures de repos le convoi se remet en marche.
La 2ème étape fut plus dure : VARIZE, COURCELLES-CHAUSSY, MAIZEROY, PANGE, SANRY sur NIED, SORBEY soit environ 22 kilomètres !
Le samedi 2 septembre le soleil brillait fort dans le ciel. Tout le monde, hommes et bêtes souffraient dans la grande cote de COURCELLES-CHAUSSY. Les bêtes avaient soif. Les femmes et les enfants courraient devant le convoi à la recherche d'un puits ou d'une fontaine, puisaient de l'eau dans des seaux et revenaient vers le convoi pour abreuver les bêtes.
Les bêtes avaient les sabots en sang. Les femmes qui suivaient le convoi pour freiner les charrettes dans les descentes n'avaient plus de talon à leurs chaussures.
A SORBEY, d'autres convois étaient déjà sur place. Tout le monde passa la deuxième nuit en dormant à même le sol ou dans les charrettes. Le lendemain dimanche, l'abbé WURTZ célébra la messe en plein air.
A SORBEY, à l'exception des affaires personnelles, tout fut abandonné : voitures, chevaux, vaches, vélo etc. Il y eut encore des larmes sur les joues de nos paysans pourtant dures, lorsqu'ils ont du se séparer de leurs bêtes favorites. DALEM fut scindé en 2 groupes les mineurs furent obligés de rejoindre le Pas de Calais. C'est là que Monsieur l'abbé WURTZ annonça à tous les autres paroissiens la destination du voyage : les villages d'accueil s'appelaient PINDRAY et JOUHET dans le département de la VIENNE. Il mit un peu de baume au cœur à tout le monde en disant en patois :
" Là-bas au moins on pourra jouer ".
Le soir, tout le monde fut chargé dans des camions militaires :
( 30 personnes par camion ) et conduit comme du bétail à toute vitesse sur des petites routes. Ils s'arrêtèrent à VILCEY SUR TREY et à la ferme Ste. Marie aux Bois où les derniers arrivèrent vers 21h00. Tout le monde passa la 3ème nuit dans la paille des greniers ou sous des hangars dans le foin.
Le 4 septembre les militaires conduisent le groupe à la gare de THIAUCOURT pour prendre le train vers 18h00. Le train passa par VITRY LE FRANÇOIS, MELUN, ETAMPES, ORLEANS, CHATELLERAULT, POITIERS, LUSSAC les CHATEAUX où ils arrivèrent vers 17h00 le lendemain. Ils couchèrent dans une salle de cinéma.
Pendant le voyage, il y avait de fréquents arrêts en rase campagne le train était placé sur des voies de débord à l'écart du trafic. Dans les gares de transit, des femmes de la croix rouge ou les scouts distribuaient du potage, du pain et des conserves. Souvent sur leur passage, les gens leurs lançaient des fruits ou d'autres aliments.
Le lendemain ils prirent le train pour POITIERS puis MONTMORILLON où ils arrivèrent le 8 septembre à 11h00. Le transfert de MONTMORILLON à JOUHET et PINDRAY se fit en camionnette.
...L'ARRIVEE DANS LA VIENNE...
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Que devait penser les gens de ces petits villages de Jouhet et de Pindray dans le département de la Vienne en voyant arriver ces hommes, ces femmes et ces enfants qui parlaient une langue qu'ils ne comprenaient pas et qui pourtant leur était tristement connu puisque c'était de l'allemand ?
Voici la réflexion d'une personne qui les a vus arriver.
" On voyait que ces gens étaient des travailleurs, ils avaient malgré tout, une certaine fierté. Ils devaient être plus aisés dans leur pays que les gens d'ici ! ".
Dans les villages d'accueil rien n'avait été prévu par les autorités, mais plus tard, les réfugiés furent répartis dans des familles du village où ils purent enfin prendre des repas en commun avec les gens du pays. Une allocation de 10fr. par jour et par personne fut attribuée aux réfugiés. Pour les moins de 13 ans elle était de 6 fr.
Le contact des réfugiés avec la population, froid au début, s'est vite dégelé et des amitiés durables se sont nouées malgré la frontière de la langue.
Plusieurs mariages entre poitevine et réfugiés furent célébrés. Les jeunes et les hommes non mobilisables travaillèrent dans des entreprises locales ou dans des fermes.
Pour les jeunes d'âge scolaire une classe spéciale fut installée et c'est Mlle STELLI de HAM qui en était l'institutrice.
Le curé WURTZ séjourna au presbytère de JOUHET. La messe était toujours accompagnée des beaux chants et cantiques du diocèse de METZ.
Les anciennes personnes de JOUHET disent encore aujourd'hui :
" Les réfugiés savaient faire des très belles messes chantées et… de très bons gâteaux ! "
Le village de Jouhet
et le pont au-dessus de la Gartempe !
...1940, LE RETOUR A DALEM...
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Après l'Armistice, tout le monde ne pensait qu'à rentrer dans son village et cela malgré l'occupation de la Moselle par les Allemands.
Le départ de la gare de MONTMORILLON eut lieu le 3 octobre 1940 par train spécial jusqu'à METZ puis par camion jusqu'à DALEM où la plupart arrivèrent le 6 octobre 1940.
Mais quelle désolation de voir un village abandonné par ses habitants pendant toute une année !
Les champs, les jardins, les alentours des maisons étaient envahis par la mauvaise herbe, les orties ou les ronces. L'intérieur des maisons fit pleurer plus d'un. Les vitres étaient pour la plupart cassées laissant l'eau rentrer et ruisseler partout provocant la moisissure. Il fallait enjamber les meubles cassés, la literie éventrée, la vaisselle brisée. Les meubles traînaient un peu partout, dans la rue, chez les voisins ou dans les tranchées autour du village. Il fallait d'abord déblayer et nettoyer, monter un fourneau pour ceux qui avaient la chance d'en avoir ou d'en trouver. Des lits de fortune ne furent installés que plus tard.
Les soldats avaient creusé des tranchées qui zigzaguaient à travers champs et à espaces réguliers, ils avaient creusé dans le sol des abris recouvert de tôles. Il y avait des rangées de fil de fer barbelé partout !
Avant de penser à cultiver, il y avait tout cela à enlever et à nettoyer. Des traces sont encore visibles aujourd'hui dans les champs et les forêts du village.
La vie pourtant se réorganisa lentement sous une autre administration que les gens de DALEM ne tenaient pas tellement dans leur cœur. L'administration allemande fit en sorte que la vie puisse se dérouler normalement : Distribution de chevaux, bœufs, vaches, outillage agricole semence etc.
Chacun se mit à l'ouvrage pour que les familles du village puissent vivre.
Le répit ne dura pas !
Les tracasseries administratives commencèrent : Rationnement, travail obligatoire et dirigé, inscription des habitants à la Deutschen Volksgemeinschaft : " Communauté du peuple allemand ", création des jeunesses hitlérienne ou autres formations nazies.
Ces partis n'eurent pas de succès à DALEM. Personne ne s'y inscrivit.
Après les tracasseries administratives suivirent les contraintes de conscience.
Le 20 septembre 1940, Le " Gauleiter " Joseph BURCKEL l'administrateur allemand, prend en main à Metz l'administration civile de la Moselle. La langue allemande devient la seule langue administrative. L'enseignement de la langue allemande est obligatoire à l'école primaire. Prénoms et noms de famille furent germanisés ainsi que les noms des localités et des rues.
En 1940 : Il interdit même le port du béret appelé " Hirnverdunkelugkaffe " : Calotte d'obscurcissement cérébral !
Il chasse les indésirables. Certaines familles de langue française sont obligées de quitter le pays avec seulement 20 à 30 kg de bagages par personnes, 2000f par adulte et 1000f pour les enfants et leurs biens seront confisqués ! Ils ne savaient même pas dans quelle direction le train les emmenait !
On ne laisse pas le temps aux gens de se préparer. Les Allemands arrivent, frappent à la porte et accordent 2 heures pour évacuer les lieux !
Le champ était libre en Moselle pour la colonisation allemande.
Personne de DALEM est concerné !
BURCKEL octroie un délai de 5 jours à tous ceux qui veulent opter pour la France et quitter le pays. Voyant la masse des habitants qui voulaient profiter de cette aubaine pour partir, il annula cette décision.
A DALEM, les inscriptions pour quitter le pays furent très nombreuses mais c'était sans compter sur la mauvaise foi des Allemands.
Tous ces inscrits furent invités à la mairie soi-disant pour procéder à la confection des papiers pour le transfert vers la France.
La Gestapo était sur les lieux. Les soldats avaient cerné la mairie, impossible de s'échapper. Tout le monde fut chargé sur des camions et emmené vers une destination inconnue. Ils furent relâchés le lendemain, sauf 2 personnes qui connurent les camps de concentration, mais elles furent libérées en 1943.
Le 30 octobre 1940, BURCKEL proclame officiellement à SARREBRÜCK l'annexion de la Lorraine Mosellane intégrée dans le Gau Westmark.
Le 1 mai 1941 il introduit le RAD ( Reichsarbeitsdienst : le service para militaire ) pour les jeunes de 18 ans en Moselle. C'est le prélude à l'incorporation de force dans l'armée.
Des jeunes quittèrent leur foyer pour se soustraire à l'incorporation dans l'armée allemande. Cette solution s'avéra très dangereuse. Car c'était les parents qui subissaient les conséquences de leur acte. La punition pour la désertion d'un fils était l'emprisonnement dans les fameux camps de concentration.
Le 14 novembre 1944, le front s'approchait de DALEM. Deux SS partis en forêt pour chasser quelque gibier sont tombés sur des jeunes du village qui se cachaient.
On a tiré des deux cotés. Les deux soldats blessés ont pu donner l'alerte. L'officier allemand a ordonné à tous les hommes de DALEM de se rassembler devant l'église. Tout le monde pensait au pire !
On savait ce qui s'était passé à ORADOUR. Pour calmer la colère allemande, quelques habitants proposèrent d'accompagner la troupe dans la nature pour l'aider à retrouver les déserteurs.
Entre temps, et fort heureusement, les soldats reçurent l'ordre de se remettre en marche...
...1944, LA LIBERATION DE DALEM...
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Le lundi 27 novembre 1944 vers 11h00, le village de DALEM est enfin libéré sans un coup de feu par 25 chars de la 95ème compagnie de reconnaissance US, qui descendait du " Floch " et du " Homberg " vers le village. Il s'agit de la compagnie C ou D du 778ème bataillon de chars.
L'insigne de la 95ème division - L'insigne du 378ème Régiment
C
es chars étaient soutenus par la compagnie " I " du 3ème bataillon du 378ème régiment d'infanterie commandé par le Colonel Samuel L. METCALFE et qui faisaient partie de la 95ème division commandée par le Major Général Harry L.TWADDLE, du 20ème corps de la IIIème. Armée US commandée par le Général Georges S. PATTON.
Le Major Général Harry L.TWADDLE... Le Colonel Samuel L. METCALFE
Commandant la 95ème division... Commandant le 378ème RI
LA HIERARCHIE MILITAIRE AMERICAINE :
" Commander Third Army : - General George S. Patton, Jr.
" Commander XXth Corps : - Maj. Gen. Walton H. Walker
" Commander 95th Division : - Major General Harry L. Twaddle
" Commander 378th Inf. Regt. : - Col. Samuel L. Metcalfe
" Commander 3rd Bn., 378th Inf. Regt. : - Major John E. Kelly, Jr.
" Commander Company I, 378th Inf. Regt. : - Capt. Charles Crawford
" Platoon Leader, 2nd Platoon, Company I, 378th : - TSgt John Rice
" Squad Leader, 3rd Squad, 2nd Platoon, Compagny I, 378th : - SSgt Red LaChance
J'ai eu l'occasion de voir Charles CRAWFORD le 23/03/2002 lors de l'inauguration de la plaque commémorative du pont du Sauvage à Metz. C'est lui qui traversa la Moselle dans une petite barque pour sauver 3 de ses hommes…
Lt Rugger et Charles CRAWFORD mai 1945 - Alain MAAS & Charles CRAWFORD mars 2002
Les américains sont venus de COUME. Ils ont traversé la route qui va de TETERCHEN vers HARGARTEN au milieu de la cote de la " Steih " pour descendre ensuite vers le village de DALEM par le " Floch ".
Ils sont venus de tous les cotés ! Du chemin comme au travers de la forêt derrière les maisons du Homberg !
Le 378ème régiment d'infanterie était soutenu par le 778ème bataillon de chars Sherman.
Il y eu d'autres régiments à DALEM, entre autres, le 320th engineer Battalion ! C'est un bataillon d'engins tels des bulldozers !
Mon oncle Jean Marie, qui avait 12 ans en 1944, se souvient qu'un soldat qui conduisait le bulldozer ou le camion qui tirait la plate-forme sur laquelle se trouvait ce bull, portait un chapeau haut de forme !
Il faisait rire les enfants et ces derniers attendaient avec impatience le retour de ce soldat marrant !
Les enfants entendaient l'engin arriver de très loin tellement il faisait du bruit !!!
Et bien ce soldat, s'est reconnu dans un article que j'ai fait paraître aux Etats-Unis en mars 2002.
Il s'agit de Chet SOULE qui servait dans le 320ème Engineer battalion !
Chet & Ruth SOULE - Le Bulldozer à Rémering !
D'après le témoignage d'un autre américain : Melvin ESAREY, il y eu également et jusqu'au 2 décembre au moins, le 358th Field Artillery Battalion qui s'est installé dans notre village !
Ce bataillon avait installé 12 canons M3 Howitzer de 105 mm à la sortie du bourg au bord de la route de FALCK. Les jeunes du villages ont pu récupérer après leur départ des belles douilles de 105mm.
Dick HUNTON, du 378ème RI m'écrit :
Dick HUNTON en 1939 - en 2002 :
" ...We entered this little village about two kilometers northwest of Falck on the double, creating quite a scene to the bewildered populace "
- " Nous sommes entrés dans ce petit village situé environ à deux kilomètres au nord-est de Falck, déconcertant complètement la population "…
" ...One overly enthusiastic civilian stood by the side of the road, shouting a bottle of wine in one hand and a glass in the other "
- " Un habitant particulièrement enthousiaste, se tenait debout au bord de la route avec dans une main une bouteille, dans l'autre un verre "
" ...Several of the fellows dropped out of the running column to partake of the gentleman's free refreshments while the rest of us continued to the other side of the village where our new homes were to be located "….
- " Plusieurs de nos camarades ont quitté la colonne pour courir se rafraîchir gratuitement auprès de cette personne tandis que le reste continuait de l'autre côté du village où étaient localisées nos nouvelles maisons"...
" ...The favorite spot seemed to be an ancient stone covered spring right on the main street
There we filled our stomachs and canteens with a quantity of delicious cold water, something to which we very rarely had access "
- " Le point où les soldats américains allaient de préférence, semblait être un ancien abreuvoir couvert, à droite de la rue principale. Là nous avons remplis nos estomacs et cantines d'eau froide délicieuse, chose à laquelle nous avons très rarement eu accès "
La fontaine au milieu du village de DALEM
" ...Under orders of the high command, however, we still had to add halazone tablets as a precaution against disease and deliberate poisoning "
- " Cependant, sous les ordres du commandement supérieur, nous avons dû y ajouter des tablettes de halazone pour nous protéger contre la maladie ou l'empoisonnement "…
Les Américains firent également grand honneur au bon schnaps de DALEM sorti en hâte des cachettes, mais ils étaient tout de même méfiants et toujours sur leurs gardes. Avant de boire, ils faisaient boire les généreux donateurs par crainte d'être empoisonnés.
En voyant arriver les américains, nos libérateurs, une cinquantaine d'insoumis ou déserteurs sortirent alors des caves, des greniers ou de la forêt. Ils avaient déserté à l'occasion d'une permission d'une convalescence ou n'avaient pas donné suite à l'ordre d'incorporation. Ces hommes étaient cachés au vu et su de tous les habitants.
La vie de ces réfractaires n'était pas enviable. Vivre en cachette pendant des mois, des années, dans la peur d'être surpris.
Il fallait trouver de quoi se nourrir !
Que seraient-ils devenus en cas de maladie grave ?
La nuit, ils aidaient même les agriculteurs aux travaux des champs.
Certains trouvèrent d'autres remèdes…
Un habitants de DALEM n'a pas eu de chance. Jules TRIDEMY avait 17 ans lorsqu'il reçut l'ordre de mobilisation. Il se brûla volontairement les deux jambes à l'eau bouillante pour être exempté, mais la Gestapo, méfiante, l'arrêta quand même. Il fut emprisonné jusqu'à la libération et mourut un an plus tard, n'ayant pu surmonter ses souffrances ".
Durant la bataille de Metz, un correspondant de guerre a surnommé les hommes de la 95ème ID :
" Les Braves des braves ".
Un défenseur allemand trouve, lui, un autre surnom à la division :
" The Iron Men of Metz ",
( Les hommes de fer de Metz ).